2013

Que voit-on vraiment lorsqu’on se regarde dans le miroir ?
Dimitri Fagbohoun y voit plusieurs personnes : lui et ses doubles.
Parce qu’il est métis, il se voit parfois noir, parfois blanc, parfois les deux.
Parfois incolore.


Poussant la logique à l’extrême, le voilà qui décortique cette dualité dans une vidéo toute en questions-réponses. Un travail sur l’identité de la personnalité. « Par analogie au genre, quelle que soit notre couleur, on est ce que l’on ressent. Quid de ces misfits dont regorgent le monde et qui se (re)ssentent au-delà des limites géographiques de leur origines ? » Plus jeune, il a lu cette phrase de Christian Bobin : « On peut être absent de soi-même et tromper tout le monde sur cette absence ». « Je me suis alors toujours demandé où nous allions et qui étions nous vraiment ? Dans un bus, nous voyageons debout, car nous n’avons pas de place assignée, mais peut-être que, même s’il est plus laborieux, notre voyage est plus enrichissant, puisque notre hauteur de vue est plus grande que celle de ceux qui sont assis. »


Dimitri Fagbohoun joue sur les matières, la texture et le grain de l’image, avec un flou étonnant obtenu par la buée de la vapeur d’eau. Il joue sur l’environnement sonore : des bruits d’eau, des phases de silence mais aussi des claques qui claquent, violence sourde. Il joue sur le rythme, accéléré ou ralenti comme si le temps, trop ou pas assez dilaté, n’était jamais le bon. Accentuant la symbolique du décalage. Il joue sur les teintes, entre les murs jaune-orangé et sa couleur de peau qui tranche, mais pas tant que ça, et le noir dont il se barbouille le visage minutieusement. Il joue et pourtant, ce n’est pas un jeu auquel nous convie l’artiste. Mais bien une lutte. « C’est un combat avec moi-même. Moi face à mes tourments. Moi, face à face, face aux autres », explique-t-il. Ce qui m’intéresse, c’est la notion psychologique de l’identité, son aspect schizophrénique. Le fait qu’au delà de ce que nous paraissons, nous soyons habités par des dimensions parfois antagonistes. »


Et lorsqu’il se frappe le corps, on ne sait plus s’il est seul ou non. Ses autres moi sont là, le tourmentent, le malmènent. L’artiste se frappe jusqu’à s’en faire rougir la peau. Pour changer de couleur ?

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