Poursuivant ses recherches sur l’immatériel et le spirituel qui à ces yeux co-existent en toute chose, Dimitri Fagbohoun nous invite à un nouveau voyage au côté de la déesse Erzulie dont il invoque le lwa1 –  le temps de cette exposition.

Héritier d’une double culture, Béninoise et Ukrainienne, l’artiste explore depuis une dizaine d’années les différentes facettes qui ont contribuées à façonner son identité. Il en a tiré son propre syncrétisme nourrit de croyances puisées dans les grandes religions monothéistes mais aussi dans le Vaudou et les cultures traditionnelles africaines.

S’il s’intéresse aujourd’hui à la figure d’Erzulie, muse parmi les muses vénérée sur plusieurs continents c’est pour appréhender la diversité des représentations dont elle fait l’objet selon les époques et les lieux géographiques. Figure tutélaire du vaudou Haïtien, la déesse Erzulie apparaît en effet sous de multiples formes.

Venue du Dahomey, ancien royaume du Bénin, le voodoovaudouvodun ou vodoun originel est hérité des croyances des tribus fon, Ewe et Yoruba de tradition animiste. Il s’est développé au-delà des frontières africaines, entre l’Amérique du sud, la Caraïbes et l’Amérique du nord au contact des blancs esclavagistes et de leur iconographie chrétienne à laquelle il emprunte souvent les attributs.

Erzulie,  dont on dénombre cinquante et une représentations différentes dans le vaudou haïtien est ainsi souvent personnifiée sous les traits de la Vierge Marie – Mater Dolorosa.

Héritière des déesses antiques elle était vénérée à Sumer sous le nom de Astarté puis Ishtart et Inanna dans l’ancienne Mésopotamie. On lui prête de nombreuses facettes dont les plus courantes  sont liée à l’amour, au désir ou encore à la fertilité.

Erzulie Freda, Erzulie Dantor, Erzulie Grânn ; Erzulie Gé rouge ; Erzulie Mapyang ; Erzulie Kaoulo sont autant de noms prêtés à la déesse qui correspondent à des traits de caractères et des identifications particulières donnés à travers les âges par les fidèles.

Personnifiée par sa chevelure ou invoquée par le son silencieux des tambours le dispositif scénographique mis en place par l’artiste permet au spectateur de cheminer à la rencontre de la déesse dont il découvre les multiples visages en même temps qu’il promène le spectateur dans des temporalités, des géographies et des croyances multiples à la découverte des nombreux visages de la déesse.

Les représentations qu’il en fait mettent ainsi en lumière l’importance de l’histoire dans le processus de construction des identités. Il nous rappelle ainsi que les représentations d’Erzulie Dantor intègrent l’iconographie de la Vierge noire de Częstochowa dont les icônes ont été rapportées par des soldats polonais lors de la révolution haïtienne à partir de 1802, dans laquelle les adeptes reconnaissent la déesse.

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1  Dans les religions animistes le lwa représente l’esprit qui sert d’intermédiaires entre le Créateur mbamawu et les humains. Il est l’incarnation de Dieu, visible sous de multiples formes.