« Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul »[1]

L’exposition Invictus que présente la galerie Félix Frachon est une ode de l’artiste Dimitri Fagbohoun à la puissance des peuples colonisés. Puissance dans la capacité qu’ils ont eu à résister face à l’oppresseur, par-delà la douleur et les peurs.

Si l’artiste s’est inspiré du poème éponyme, il en retient le caractère sacré, thématique récurrente dans son œuvre. Il s’intéresse aussi plus particulièrement à la résilience de son auteur qu’il assimile à celle de tout un peuple.

Les notions de possession, de richesse, de domination mais aussi de soumission et de résilience sont au cœur des recherches menées par l’artiste. Comment expier le passé et dépasser le trauma collectif. Comment s’affranchir de l’histoire et écrire son avenir, que l’on soit victime ou boureau ? Dans la continuité de l’exposition Recollection à l’intérieur de laquelle il s’intéressait à l’influence des arts dit « nègres » dans l’histoire de l’art occidental, l’artiste questionne ici les les ambitions d’un seul homme au détriment de milliers d’autres.

« Pourquoi tous ces morts au beau milieu de l’Afrique coloniale ? Pourquoi cet oubli incompréhensible ? Ce silence, que rien ou si peu ne vient troubler ? Les faits, pourtant historiques, se sont déroulés au vu et au su de tous, décidés en plein cœur de l’Europe consciente, documentée, active. Tout a été écrit, lu, dénoncé, prouvé, argumenté. A aucun moment, il n’a été possible de l’ignorer, même par courtoisie »[2].


Fidèle à son univers, la couleur noire prédomine sous de nouvelles formes. Des dessins, réalisés sur papier noir, évoquent la croisière noire et l’exploitation des mines de cuivre. Tels des esprits, apparaissent sur le papier des silhouettes de masques nées d’un seul geste, fugace, évanescent. Incarnations des ancêtres ayant vécu l’horreur. Tout proche, le buste en céramique du souverain rappelle l’histoire coloniale et ses répercusions contemporaines.

Entre l’interprétation personnelle de l’artiste et la mémoire collective de tout un peuple, l’exposition Invictus, regroupe des œuvres profondément personnelles à la portée pourtant universelle. Hommage à la mémoire de tout un peuple, hommage à l’Afrique et ses traditions.


[1] William Ernest Henley, Invictus, 1888. Passage du poème.

[2] Marc Wiltz,  Il pleut des mains au Congo, 2015